Olivier Russbach

PRÉSENTATION DU SITE

        Les études et recherches présentées sur ce site sont le fruit d’un travail entamé en 1982 au Centre pour les affaires internationales (CFIA) de l’Université Harvard autour des instruments juridiques accessibles aux particuliers pour influer sur les politiques étrangères et de défense des États.

        Après le CFIA, la Maison des Sciences de l’Homme à Paris, puis l’Université Paris I, l’Institut Henry-Dunant à Genève, le Centre de recherches Droit international 90, l’Université européenne de la recherche devaient, avec les actions judiciaires menées par l’association Droit contre raison d’État et les ateliers de la BPI du Centre Georges-Pompidou qui en examinaient régulièrement la mécanique, accueillir, accompagner et enrichir le travail entrepris.

 

        Au départ, le thème principal était la course aux armements nucléaires entre l’URSS et les États-Unis : la question de la légalité des armes nucléaires, d’une part, celle de l’efficacité de l’équilibre des forces, d’autre part, étaient étudiées sous l’angle du résultat et de l’éventuelle obligation de résultat que, dans une approche contractuelle, les gouvernants auraient vis-à-vis de leurs ressortissants. La paix et la sécurité étaient-elles assurées par les moyens mis en œuvre à cette fin revendiquée ?  

        La question des armes nucléaires - dont « la menace est toujours d'actualité », a rappelé le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon le 6 août 2010, lors des cérémonies du souvenir du bombardement d'Hiroshima de 1945 - est restée centrale à cette recherche jusqu’aux avis de la Cour internationale de justice sur leur légalité, rendus en 1996, analysés par Droit international 90 dans le numéro 28 de son journal Situation.

 

        La problématique est demeurée la même (légalité, efficacité, résultat) lorsqu’il s’est agi, durant la guerre Iran-Irak des années 1980, d’interroger la légalité de la fourniture d’armements à l’un et/ou l’autre des belligérants par les États membres de l’ONU et signataires des Conventions de Genève de 1949, ou par les sociétés d’armements, une fois lesdits belligérants désignés par le Conseil de sécurité de l’ONU ou le CICR comme violant le droit de la guerre.

 

        La détente est-ouest amorcée au début de la décennie 1990 devait donner le sentiment d’un renouveau de l’ONU, renforcé par la guerre menée contre l’Irak d’août 1990 à février 1991 suite à l’invasion du Koweit par l’armée de Saddam Hussein le 2 août 1990, guerre dont il fut très vite dit qu’elle avait été « autorisée » par l’ONU, autorisée qui plus est par son « organe suprême », le Conseil de sécurité.

        Du cadre contractuel dans lequel elle était installée, la recherche se dirigea vers le langage utilisé pour « dire le droit ». « Autoriser à user de tous les moyens nécessaires » pour faire respecter le droit international n’impliquait pas, en soi, le concept de « guerre autorisée », pourtant immédiatement mis en avant par les États et les médias ; le Conseil de sécurité n’était pas « l’organe suprême » présenté pour donner à l’action entreprise la légitimité suprême qu'on voulait lui donner ; et l’idée de « guerre du droit » évoquée lors de l’opération « Tempête du désert » serait hypothéquée aussi longtemps que les termes du droit seraient eux-mêmes galvaudés. Cela d'autant qu'étaient alors en jeu, disait-on, les fondements d'un « nouvel ordre international ».

        Sans nier le crime qu’avait commis l’Irak en envahissant le Koweit (notamment en cela puisque les crimes commis dans la décennie précédente ne lui avaient valu aucune sanction), ni renoncer aux mécanismes offerts par le système onusien en pareil cas, il devait être possible - sans doute était-il nécessaire - de respecter d’abord la terminologie du droit, en l’occurrence du droit international.

 

        Et c’est le langage, à nouveau, plus que le droit lui-même, qui se révélerait défaillant lors des conflits nés de l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990. Le discours a-juridique - anomique - qui avait accompagné (et forgé) le succès médiatique du concept de « droit d’ingérence » entraînerait dans son sillage le discours sur la prétendue absence de moyens pour poursuivre et juger les criminels de guerre du terrain yougoslave, puis rwandais.

        Le pathos avec lequel on exaltait la justice à venir l'emporterait sur la pratique juridique et judiciaire du droit présent. Sur le modèle du « droit d’ingérence », qui déjà se voulait nouveau droit humanitaire, fut élaborée l’idée d’un nouveau droit international, d’une nouvelle justice internationale, faite d’adhocité (les tribunaux ad hoc) pendant que les traités en place étaient écartés (accords de coopération et d'association), jusqu’à l’apothéose qui devait faire passer les bombardements de l’OTAN sur la Serbie, en mars 1999, pour la pierre angulaire de la nouvelle alliance et du nouveau droit.

 

        C’était comme si, à chaque étape, le prétendu nouveau droit se construisait sur la négation du droit existant. « Un jour viendra où les dictateurs n’auront plus le droit de massacrer leurs peuples », répétait le dogme du droit d’ingérence, sans mesurer combien il légitimait ainsi ce qui, à ses yeux, n’était pas encore interdit. 

        Il fallait un temps d’arrêt.

        Comment parlait-on de droit international ? Et, en fait, de droit tout court : comment parle-t-on de droit dans les États de droit, dans une société marquée par la loi (celle de Platon, celle de Moïse, celle de Justinien), puis hantée par la loi (Paul de Tarse), société qui se pense faite d’interdits et s’applique, erreur d’aiguillage, à interdire d’interdire, puis à interdire l’interdit jusqu'à se perdre dans l’autorisation de l’autorisé ? Quelle influence a, dans les démocraties occidentales chrétiennes, le Nouveau Testament sur l'idée de loi, le christianisme sur l’approche de la loi ? 

 

        De ce temps d’arrêt est né le projet de présenter et partager le travail entrepris sur trois axes :

- la nomologie ou étude de la loi, du vieux nomos de Solon au très moderne concept tautologique de « droit opposable », du  « Code d'Hammourabi » aux  « Points d'accès aux droits » ; étude de la loi en général, des lois fondatrices d'un moment, des systèmes juridiques censés faire loi ;

- la communication juridique ou étude du langage et du récit servant à exposer un problème de droit, à l’enfermer ou à le faire éclore ;

- la philologie du droit et des conflits ou étude de l’influence de ce récit sur la résolution ou l’aggravation d’un conflit.

 

        Il nous a semblé qu’un site permettrait de présenter cette réflexion dans son évolution et ses recoupements, de mettre littéralement en liens les unes avec les autres les diverses expériences menées et l’état actuel d’une étude qui fait, dans ses développements récents, une large part, sinon au « conflit israélo-palestinien », du moins à la question d’Israël, et plus justement peut-être : à la situation d’Israël, au sens où l’ONU et les philosophes se servent du mot, à celle de la Palestine, et au rôle de la cause palestinienne dans cette situation.   

        L’enjeu, en effet, de ce qui est présenté comme le « conflit israélo-palestinien » est en tout cas aussi juridique, sinon plus qu'il ne serait territorial, religieux, politique ou géopolitique. La loi - le nomos, l'idée de justice et d'ordonnancement - est en jeu. Et la loi - mais laquelle, justement ? - au cœur du récit. Les Palestiniens semblent en être conscients, qui font du droit et des plus fins rouages de la loi internationale du XXIe siècle un usage choisi et rythmé, - phénomène qu’il convient aux sociétés romaines d’Occident d’étudier et de comprendre.  
        Le droit de Jacob, le droit d'Esaù, le droit d'Ismaël et leur nomos respectif, la loi contextuelle dans laquelle chacun de ces droits s'inscrit, se lisent en filigrane des études menées ici.

 

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        Nomologie, Communication juridique, Philologie du droit et des conflits forment la charpente du site, qui recense - dans la rubrique Archives - les diverses actions à caractère juridique ou judiciaire entreprises dans les années 1980 et 1990 en les plaçant dans cette nouvelle perspective, puis en y rattachant : les études en cours, qui font davantage de place au récit juridique qu'au procès, l'activité de conseil et, sous lectures, les notes inspirées de livres, articles ou commentaires. Plusieurs des archives signalées sont disponibles sous forme de liens (externes ou internes) ou de documents à commander. 
        Comme leur nom voudrait enfin l'indiquer, les études en cours sont présentées en l'état, parfois brut, tantôt comme esquisses, souvent sous la forme de questions. Elles vont et viennent sur le site, au gré de leur progression.

        Il en est de même de l'étude plus longue qui sera mise en ligne plus tard et qui, sous le titre Qods Kadosh Caduc, tentera de rassembler quelques éléments en vue d'une introduction à la philologie du « conflit israélo-palestinien ».

 

         Même si le site n'est pas - du moins pour l'instant - un blog ou un lieu de débat direct, l'étude qui y est présentée est ouverte et les commentaires sont les bienvenus.

 

 

 

 

 

 

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