Olivier Russbach

PARCOURS

Olivier Russbach est juriste de formation, diplômé de l’Université de Neuchâtel, avocat, ancien délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), fellow du Centre pour les Affaires internationales de Harvard (CFIA), diplômé de philosophie politique de l’Université Paris I, ancien directeur du centre de recherches Droit international 90, consultant en droit international et stratégie juridique. Né en Suisse, il vit à Paris.

 

Barreau et CICR

 

         Parallèlement à la pratique du barreau, qu’il exerce d’abord à Neuchâtel puis à Genève et dans des cabinets juridiques à Londres et Barcelone, il effectue quelques missions comme délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Liban en 1977-78 et au Tchad en 1980.

 

Liban Sud

 

         Au Liban en 1977, il est dans un premier temps chargé de l’extrême sud et de la frontière de fait entre Bint-Jbeil et Ain-Ebel, alors respectivement fief palestinien et libano-progressiste et l’une des deux enclaves  tenues par l’Armée du Liban Sud (ALS), l’autre étant celle de Majayoun. Il rencontre quotidiennement les responsables palestiniens de Tyr à Bint-Jbeil, et ceux de l’ALS au-delà et jusqu’à la frontière israélo-libanaise de Naqoura. Alors que la « poche de Marjayoun », dirigée par le major Haddad, est relativement ouverte, la « poche de Ain-Ebel », aux mains d’hommes durs comme le major Chiddiac et les miliciens de Louis Asrouni, est plus fermée. Le CICR en obtient l’accès à l’automne 1977 et, à la fin décembre, organise un important convoi humanitaire - peu utile sur le plan strictement humanitaire, mais très utile sur le plan de l’application des Conventions de Genève, ce convoi permettant au CICR de reprendre son travail à partir du territoire libanais dans une zone alors peu accessible, tant en raison de l'ALS que des autorités palestiniennes et libano-progressites, ce que le site officiel de Ain-Ebel ne laisse aujourd'hui guère entendre.

         En janvier 1978, il est responsable de la sous-délégation du CICR à Tyr et doit gérer, en mars-avril, les activités de l’organisation suite à l’opération Litani, au cours de laquelle l’armée israélienne occupe le Sud Liban jusqu’au fleuve Litani. Pendant l’opération, il rencontre le général israélien Mordechai Gour puis, à son terme, reçoit au siège du CICR de Tyr le général Jean Salvan, premier chef de la FINUL créée sur le fondement de la célèbre résolution 478 du Conseil de sécurité de l’ONU.

         Rentré en Europe en mai, il retourne brièvement au Liban en septembre 1978, et assiste le chef de mission à Beyrouth durant les bombardements intensifs de la capitale libanaise par l’armée syrienne.

 

Tchad et Tibesti

 

         En janvier 1980 au Tchad, il est d’abord chargé des relations avec le FROLINAT au Tibesti et prend la responsabilité de la sous-délégation du CICR à Faya-Largeau ; puis, lors de l’éclatement du conflit entre Goukouni Oueddei, alors président de la République tchadienne, et Hissène Habré, son ministre de la Défense, il assume pendant quelques semaines l’intérim du chef de Délégation de N’Djamena, vite séparée par la violence des conflits en zone Oueddei au nord, et zone Habré au sud.

         Durant cette brève mission, qui se termine en avril 1980, il facilite les rencontres que souhaitent effectuer les hommes politiques régionaux soucieux de négocier une trêve entre Hissène Habré et Goukouni Oueddei, établit le contact entre les deux zones, négocie les cessez-le-feu nécessaires à la traversée de la ville ou organise son contournement. Il reçoit ainsi, en zone nord, Edem Kodjo, alors secrétaire-général de l'OUA (Organisation de l'unité africaine), et le président togolais Gnassingbé Eyadéma, qu’il doit convaincre de traverser le fleuve Chari en pirogue pour rencontrer Hissène Habré en zone sud, impliquant un passage sur territoire camerounais négocié avec le maire du village de Kousseri.

 

Harvard CFIA

 

         À partir de 1982, il se consacre principalement à une recherche sur le droit international, tendant à désenclaver cette discipline juridique de la diplomatie internationale en montrant, par une pratique judiciaire alors très novatrice, ses possibilités d’application interne, à l’intérieur des États et à l’initiative des particuliers.

         Invité au Centre pour les affaires internationales de Harvard (CFIA), alors dirigé par Samuel Huntington, aujourd’hui Wetherhead Center for International Affairs, dont il est fellow en 1982-1983, il pose les bases de cette recherche dans un premier travail qu’il consacre aux fondements juridiques de la course aux armements nucléaires, examinée dans sa dimension est-ouest, en relation avec la contestation des mouvements antinucléaires des années 1980 en Europe, et moyen-orientale, en lien avec Simha Flapan, journaliste et homme politique israélien, pionnier des relations israélo-arabes contemporaines, avec qui il partage bureau et recherche au CFIA.

         Durant ce fellowship, soutenu par une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique et une aide du Harvard Club of Switzerland, il suit principalement en auditeur libre les cours et séminaires de Stanley Hoffman, directeur du Centre pour les études européennes de Harvard, et de Herbert Kelman, professeur de Social Ethic très actif dans la discipline de Conflict Resolution, notamment sur le terrain israélo-palestinien.  

 

Procédures

 

         À l'invitation de son directeur, Clemens Heller, il poursuit cette recherche au sein de la Maison des Sciences de l’homme en 1983-84, puis crée l’Association européenne Droit contre raison d’État en décembre 1984, avec laquelle il explore les possibilités de mettre judiciairement en cause devant les tribunaux nationaux, en l’occurrence suisses, la responsabilité de dirigeants soviétiques et nord-américains comme MM. Shultz et Gromyko, alors responsables de la diplomatie de leur pays respectif, ou Gorbatchev et Reagan, chefs des deux États concernés, dans la course aux armements nucléaires. Liées à la présence des dirigeants soviétiques et nord-américains à Genève lors de pourparlers de désarmement nucléaire, ces  procédures, sans doute un peu provocatrices à l’époque, ont suscité un débat important dans la presse et la recherche jusqu’à alimenter les thèmes d’examen de droit, par exemple à l’École suisse de diplomatie. Elles ont été résumées dans le livre La déraison d’État (La Découverte, 1987).

         Durant la même période, il assiste le chanteur-compositeur catalan Lluis Llach dans la procédure que ce dernier avait engagée en 1986 contre Felipe Gonzalez, dont il avait soutenu la campagne en faveur de la sortie de l’Espagne de l’OTAN et qui, une fois élu, devait organiser un référendum favorable au maintien de son pays dans l’OTAN. Retentissant en ce que le juge reçut la demande de Lluis Llach, l’analysa sérieusement et lui donna raison sur le droit virtuel à contrôler le respect de la parole politique, pour conclure il est vrai sur un vide juridique en la matière, ce procès a fait l’objet de nombreux commentaires et analyses.

         La même année, il participe au film documentaire de Gudie Lawaetz sur le Tribunal de l’eau (Tribunal de las Aguas), institution ancestrale de la Région de Valence régulant le partage de l’eau dans la campagne valencienne et jugeant les conflits de sa distribution (cf. Gudie Lawaetz, The Water Tribunal, 1988 ; Ordonnances royales du 10 juin 1843 « para el buen gobierno y justa distribucion de las aguas » (Valence, 1972).

 

L’état de droit international

 

         En 1988, il obtient un DEA de philosophie politique à l’Université Paris I et crée le Centre de recherches Droit international 90, associé en 1994 à l’Université européenne de la recherche sous l’égide de Jean-Pierre Faye.

         À la tête de ce centre, dont le nom indiquait l’objectif d’accompagner la Décennie des Nations unies pour le droit international (1991-2000), il a mené des recherches de pointe en matière d’application du droit entre États, d'une part, entre États et particuliers, d'autre part, mettant en lumière la responsabilité des organisations internationales et des ONG dans les défaillances de l’état de droit international, avec un é minuscule, concept qu’il a travaillé notamment lors des « ateliers de droit international » menés de 1988 à 1998 à la BPI du Centre Georges Pompidou à Paris, dont les étapes ont été publiées régulièrement par Droit international 90 dans son journal Situation, et les actes par les éditions de la BPI du Centre Pompidou en 1998 sous le titre ONU mécanique.   

         Durant cette période, il fut consultant de plusieurs organisations internationales, gouvernementales ou non-gouvernementales, et dirigea la préparation de procès pionniers en matière de pratique judiciaire internationale et de réflexion sur les fondements du droit international public et humanitaire. Il fut ainsi à l’origine de procédures qui, dans les années 1988-1992, mettaient judiciairement en cause la responsabilité des États et des entreprises privées qui, telles Dassault, Aerospatiale, Matra, avaient fourni et fournissaient du matériel de guerre à l’Irak et/ou à l’Iran en dépit des condamnations expresses, par le Conseil de sécurité de l’ONU et le CICR, des crimes de guerre commis par les deux belligérants.

         Un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 1992 devait conforter l’association européenne Droit contre raison d’État dans le procès qu’elle avait engagé contre la Société Dassault quatre ans plus tôt, au lendemain du bombardement chimique de la ville kurde d’Halabja par l’armée irakienne à partir d’avions Mirage. La société Dassault avait invoqué durant toute la procédure l’obligation qu’elle avait d’exécuter les décisions du gouvernement, elles mêmes couvertes, selon elle, par le secret défense. La Cour devait en décider autrement et rappeler que « la conclusion des contrats de vente de matériel de guerre par une entreprise commerciale est détachable (…) de la conduite des relations du gouvernement avec des autorités étrangères ».

         Ce travail a suscité un grand intérêt dans les médias et fut également très commenté dans les revues spécialisées et universitaires.

         Les décisions judiciaires obtenues et les commentaires qu’elles ont suscités ont été résumés et analysés dans ONU contre ONU. Le droit international confisqué (La Découverte, Paris, 1994), traduit en roumain en 1999 par Ioana Ilie avec une longue préface d’Adrian Nastase, alors professeur de droit international et futur premier ministre roumain ; dans Law and Moral Action in World Politics (Cecilia Lynch et Michael Loriaux, editors, University of Minnesota Press, 2000), ainsi que dans plusieurs conférences, dont le cycle précité d’ateliers en collaboration avec la BPI du Centre Georges Pompidou de 1988 à 1999, à laquelle se sont associés le Bureau des Nations unies, l’Institut Henry-Dunant et l’Institut des Hautes Études Internationales (IUHEI) à Genève en 1998, et le CICR à l’Université d’Abidjan en 1999 à l’occasion du cinquantième anniversaire des Conventions de Genève de 1949.

 

Les années Reagan-Gorbatchev

 

         Dans le cadre des échanges musclés des années 1980 entre les diplomaties libyenne et nord-américaine, il assistait l’Association européenne Droit contre raison d’Etat dans sa tentative d’assigner l’ambassadeur Vernon Walters devant un tribunal parisien aux fins de voir le représentant spécial de Ronald Reagan livrer à la justice française les éléments susceptibles de mettre en accusation judiciairement le régime du colonel Kadhafi dans la responsabilité d’attentats contre des ressortissants américains en Europe (voir archives DCRE). 

         Le 10 décembre 1987, à l’occasion du premier symposium libre sur les droits de l’homme organisé par le journal Glasnost à Moscou, il déposait in situ une requête de l’association au Procureur général de l’URSS, constitutionnellement responsable de « la surveillance suprême de l’exécution stricte et uniforme des lois (...) », aux fins qu’il rende publiques les mesures prises par ses services pour répondre au souhait alors récemment exprimé de M. Mikhaïl Gorbatchev de « mettre le droit soviétique en harmonie avec le droit international » (voir archives DCRE).

         En avril 1989, face aux nouvelles velléités de l’Irak de Saddam Hussein de se doter de l’arme nucléaire et au procès en appel de Mordechai Vanunu qui dénonçait Israël de s’en être doté, il organisait la requête que cette association formulait juridiquement au Conseil économique et social de l’ONU aux fins de le faire utiliser son droit de consultation de la Cour internationale de justice sur la légalité des armes nucléaires, une requête similaire ayant été adressée en 1986 au Secrétaire général de l’ONU, au nom conjointement de l’association Droit contre raison d’Etat et du programme Droit et raison d’Etat de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne, précédant une intervention aux mêmes fins menée par le World Court Project via l’Assemblée générale de l’ONU et l’OMS (voir archives DCRE). 

 

Les années ’90

 

         Les expériences ainsi menées ont mis en lumière les obstacles psychologiques plus que politiques ou juridiques à la mise en œuvre des instruments existants du droit international public, et c'étaient ces obstacles qu’il convenait désormais de travailler. Les instruments de droit existaient ; ils pouvaient assurément être améliorés, mais un blocage psychologique empêchait à l’époque toute approche juridique et judiciaire. Ce blocage n’était pas de l’ordre de la raison d’État ; renforcé par l’enseignement universitaire du droit international et le combat des ONG qui, les deux, donnaient force de loi au dysfonctionnement du système juridique international, il affectait l’analyse politique, juridique et médiatique des relations internationales.

         1989 serait l’année charnière pour désigner publiquement ces obstacles.

         Le bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme occupaient alors les esprits et il convenait de se placer dans « l’après 1989 ». Le défi serait désormais de faire mieux connaître les instruments de droit international utilisables. Pour marquer la naissance du centre de recherches Droit international 90, une « Déclaration de Paris » serait offerte à la signature des chefs d’États et de gouvernements réunis par François Mitterrand à Paris le 14 juillet 1989 à l’occasion du double anniversaire de 1789. Dans cette déclaration virtuelle publiée en pleine page du journal Le Monde daté du 14 juillet 1989, les chefs d’État et de gouvernement réunis à Paris étaient invités à confirmer les engagements pris par leurs pays respectifs dans les textes fondamentaux de droit international public et humanitaire et ainsi à s’abstenir, à l’avenir, de fournir, d’une main, du matériel de guerre aux États qu’ils avaient, de l’autre main, désignés comme commettant ou laissant commettre des crimes de guerre condamnés comme tels par le Conseil de sécurité de l’ONU, comme c’était alors notoirement le cas de l’Irak et de l’Iran durant ce que l’écriture médiatique et militante ignore être la première guerre du Golfe.

         La guerre qui sévit entre l’Iran et l’Irak de 1980 à 1988 est oubliée en effet lorsqu’on parle de celle de 1990-91 (Bush père) comme de « la première guerre du Golfe », celle de 2003 (Bush fils) étant, dans cette énumération tronquée, la deuxième, toujours en cours. En marge de celle de 1990-91 - de l’invasion du Koweit par l’Irak en août 1990 à sa libération par la coalition internationale en février 1991 - le centre de recherches Droit international 90 réunit plusieurs personnalités pour demander, sans succès, qu’une consultation de la Cour internationale de justice soit organisée pour contrer les revendications de l’Irak sur le Koweit, comme il en avait été sollicitée une sur les revendications partagées du Maroc et de l'Algérie sur le Sahara occidental.

         Durant ce conflit, Olivier Russbach fut invité à analyser le discours juridique de la coalition dans une série de « Rebonds » du journal Libération et intervint dans plusieurs médias écrits, radiophoniques et télévisuels autour de la question du droit de dire le droit, interventions qui devaient susciter un débat utile à une meilleure connaissance des potentialités juridiques et judiciaires du système des Nations unies.

         Profitant ensuite de l’instauration, par les Nations unies, d’une « décennie pour le droit international » (1990-2000), il devait étudier avec le centre de recherches Droit international 90, désormais accueilli à l'Université européenne de la recherche,  les obstacles recensés et peu à peu identifiés comme provenant davantage de la représentation sociale du droit que du droit lui-même, constat qui devait le conduire à dégager l’idée d’une « écriture médiatique et militante » enfermée dans un mouvement circulaire de type amour haine fait de méfiance envers le droit et de demande de nouveau droit.

 

Le « nouveau droit international »

 

         Dans les années 1988-1995, il a ainsi étudié et critiqué le discours militant et médiatique qui s’installait autour du prétendu « droit d’ingérence », un discours qui avait prise principalement en France mais qui eut des effets nuisibles, à ses yeux, sur le système juridique international dans son ensemble en raison de la falsification de la règle de droit qu’il impliquait, falsification préalable au récit militant fondé sur un prétendu besoin de nouveau droit. Cette critique a donné lieu à plusieurs publications principalement en France, en Suisse, aux États-Unis et au Canada, le journal Situation rendant lui-même régulièrement compte des actions pratiques mises en œuvre sur la base des recherches du centre Droit international 90.

         Plus tard, toujours avec le centre de recherches, il a accompagné les actions de l’association Reporters sans frontières aux fins, d'une part, de poursuivre devant les juges français les crimes commis au Rwanda en 1994 par des ressortissants rwandais réfugiés en France (dont Mme Habyarimana et autres dirigeants de Radio Mille Collines), d'autre part de prévenir la provocation par les médias d’actes de génocide à l’instar de ce qui s’était produit au Rwanda. Une initiative d’envergure de RSF devait mettre en lumière l’obligation de prévention du crime de génocide incombant aux organismes internationaux (Situation n° 25 et 27).

         Il a ensuite participé à la création de l’association Responsabilité internationale, qu’il a représentée en 1996 devant les autorités fédérales suisses dans la tentative de mise en œuvre d’une procédure judiciaire tendant à démontrer, devant les tribunaux genevois, la responsabilité du Secrétaire général de l’ONU dans l’échec de la FORPRONU à protéger les populations civiles de Bosnie-Herzégovine ; mené une étude sur la fabrication du film Underground durant l’embargo qui frappait la Serbie (cf. Florence Hartmann, « La production d'Underground et ses zones d'ombre », le Monde, 26 octobre 1995) ; dirigé un travail critique de l’avis de la Cour internationale de justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, du 8 juillet 1996, comme de sa réception par les ONG à l’origine de la consultation de l’organe judiciaire principal des Nations unies sur cette question par l’OMS et l’Assemblée générale de l’ONU (Situation n° 28).         

         Parallèlement, il intervenait régulièrement dans la presse pour mettre en avant les potentialités ignorées de la Commission internationale d’établissement des faits, organe institué par le « droit de Genève », pour enquêter sur les allégations d’infractions graves au droit humanitaire, en lieux et places des introuvables commissions d’enquête que prétendaient régulièrement souhaiter mettre en place les chancelleries internationales, par exemple suite aux événements dramatiques qu’avait connus l’Algérie en 1998 (cf. Algeria Watch CIEF

         Hors associations, ce travail l’a également mené : 

• à contester devant le TGI de Paris la présentation des premières heures du génocide rwandais d’avril 1994 par Le Robert des Noms Propres qui, dans l’édition suivant immédiatement les événements dramatiques du 6 avril 1994, imputait aux Tutsis du FPR l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (cf. « Le génocide rwandais revu puis corrigé par le Petit Robert des Noms propres », Libération) ;

• à défendre, avec Me Charles Mouttet du Barreau de Paris, le Comité togolais de résistance et un citoyen togolais devant les instances onusiennes ;

• à assister l’écrivain suisse Monique Laederach dans une action tendant à faire condamner par le gouvernement helvétique les propos d’un fonctionnaire du ministère suisse des Affaires étrangères qui avait publiquement évoqué le risque que ferait courir au commerce avec la Turquie la reconnaissance du génocide arménien

• à examiner la situation juridique du Sahara occidental et la qualification en droit international du conflit entre le Maroc et le Front Polisario afin d’aider les parents de victimes françaises de l’explosion d’une mine sur la frontière sahraoui-mauritanienne à faire face juridiquement aux autorités civiles et politiques françaises qui écartaient leurs droits et la reconnaissance de leur préjudice en désignant, sans étude ni fondement juridique, la zone de l’accident comme un no man’s land, hors loi internationale.   

         Le concept de no man’s land, ignoré du droit international qui connaît celui de « territoire sans maître » (terra nullius) - au demeurant contesté par la Cour internationale de justice, notamment dans son avis du 16 octobre 1975 sur le Sahara occidental - l’a incité plus tard à entreprendre une étude comparative sur la couverture médiatique des conflits entre le Maroc et le Sahara occidental, d’une part, Israël et l’OLP puis l’Autorité palestinienne, d’autre part (Cf. en ligne sur ce site : OLP/Polisario 1985-2009, étude comparative de la couverture médiatique des questions juridiques liées aux deux conflits).

 

Nomologie et communication juridique

 

         Cette recherche active, dirigée notamment vers le public, les tribunaux, l'université, les ONG et les médias, l’a conduit à entreprendre un travail plus personnel sur la conscience juridique dans les sociétés occidentales, en apparence les plus juridicisées ; sur la représentation collective et médiatique de la loi et la communication en matière de droit.

         En 2002, il entreprend une recherche sur les grands textes de droit mésopotamiens et hébraïques (Code Hammourabi, Loi mosaïque) ; il étudie l’hébreu et tente de dégager, à travers le passage de l’hébreu au grec, puis au latin et aux langues vernaculaires occidentales, la perte de sens du texte de droit, le discrédit de la loi et de la lettre, qu’il croit pouvoir observer à partir des écrits de Paul de Tarse, du Sermon sur la montagne et, plus généralement du Nouveau Testament, dont le nom même - qui impose à l'écriture universelle le concept juridique de testament (qui plus est : prétendument « ancien » et « nouveau ») en remplacement de celui d'alliance - exprime la distance prise avec la loi du Sinaï.

         Il étudie le judaïsme, puis le passage du judaïsme au christianisme, et découvre que, derrière l’idée d’« accomplissement de la Loi », le christianisme fait en réalité expressément rupture avec la Loi au sens hébraïque, la Torah de Moïse se voyant remplacée jusque dans les mots par « la Torah de Jésus », comme Benoît XVI appelle le Sermon sur la montagne. Ce texte, qui suit immédiatement la section dite des béatitudes, rythmé par le célèbre « On vous a dit que … et moi je vous dis que … », est à ses yeux le cœur de la rupture néotestamentaire avec la loi, d’abord au sens biblique, puis au sens politique et plus strictement juridique. C’est dans ce sermon que l’écriture médiatique et militante, consciente ou inconsciente des sources chrétiennes du mécanisme, puise sa conviction que Jésus a instauré la laïcité, l’amour du prochain, celui des uns et des autres, puis abrogé la loi du talion, autant d’erreurs textuelles et de confusions juridiques qui alimentent le récit géopolitique, et jusqu'aux analyses du conflit israélo-palestinien, erreurs et confusions qu’il convient de replacer et d’étudier dans leur contexte chrétien, leurs spécificités textuelle et juridique.  

         Dans ses travaux récents, il tend à démontrer que cette rupture qui, dans les pas de Paul, remplace la loi par la grâce et la foi, entraîne une confusion des esprits sur la loi au sens politique et juridique, confusion dont il estime qu’elle affecte notoirement le droit international et les droits de l’homme et, plus que les textes de droit eux-mêmes, le discours sur le droit international et les droits de l’homme. Observant l’installation, dans les années 1990, d’un prétendu « nouveau droit international », il en dégage les mêmes ressorts rhétoriques que ceux du Sermon sur la montagne installant la « nouvelle alliance » du « Nouveau Testament » : « On vous a dit que les chefs d’État avaient le droit de massacrer leurs peuples, et moi je vous dis qu’un jour, ils n’auront plus ce droit » est le leitmotiv des tenants du « Nouveau Droit International ». Or, ce propos qui se veut juridique, d'ordre juridique, est fondamentalement a-juridique, hors droit, hors loi, anomique : au prétexte que  « bientôt », ce ne sera plus légal, il laisse penser et croire que, actuellement, ça l'est. Dans la perspective du droit futur qu’il revendique, ce propos légalise en réalité une situation que le droit existant ne légalise nullement : il évoque la loi à venir - la loi qui n'est pas de ce monde - pour masquer la loi réelle et applicable.

         Notant une proximité de ce discours avec celui qu'ont instauré les auteurs du Nouveau Testament sur les concepts de royaume et de souveraineté, il examine le langage contemporain du « nouveau droit international » à la lumière de la rupture paulinienne avec la loi, concrétisée par les rédacteurs du Sermon sur la montagne. Il rassemble alors son travail sous le terme de nomologie et entreprend de développer une réflexion sur la philologie du droit et des conflits.

         En droit privé, s’il ne pratique plus régulièrement le barreau ou la consultation juridique au sens strict, il assiste les particuliers (souvent juristes, parfois avocats) dans leur souci de quitter un conflit juridique sans issue ou un processus judiciaire mal engagé. Son conseil en matière de communication juridique consiste à rechercher la meilleure présentation possible d’un problème juridique ou d’une campagne en faveur de l’instauration ou de l’abolition d’une disposition de droit, dans un souci de libérer la communication sur le droit des ornières militantes dans lesquelles elle est souvent entravée, d’aider les particuliers à se méfier de l’emballement médiatique et de la prétention des opérateurs d’information à imposer le temps et le vocabulaire journalistiques au temps et au vocabulaire juridiques.

         En droit public, son terrain d’étude est principalement le conflit israélo-palestinien, en raison notamment de son caractère exemplaire de pareils emballements et ornières. De ce conflit, il analyse - notamment à travers l’écriture médiatique et militante qu’il génère - la présentation et la représentation en Occident en général, en Europe en particulier, sous l’angle de la rupture originelle (Paul de Tarse) avec la loi et avec la lettre dans une triple perspective juridique, théologique et philologique.

         Quatre essais sur ce travail en cours seront publiés sur le site sous le titre Qods, Kadosh, Caduque. Introduction à la philologie du « conflit israélo-palestinien »  
   

Été 2010.